Colloque Paysage « Territoires en action - Plans de Paysage » le 28 mars au musée des Beaux Arts à Caen

Planche 1 de Fanny Didou

Pascal Henry, directeur adjoint à la DREAL, a accueilli les participants et ouvert la 6e édition du colloque annuel de la DREAL consacré aux paysages.

Qu’il soit considéré comme un objet technique ou sensible, le paysage naît dans le regard de celui qui l’observe. Le paysage a également une dimension intégratrice pour penser l’action territoriale, il renvoie à une notion de qualité des politiques publiques. Avec les « Plans de paysage », à l’inverse des approches habituelles, il s’agit, non pas de laisser faire un paysage résultant de façon aléatoire des politiques sectorielles, mais d’intégrer la notion de paysage comme partie intégrante dans la mise en œuvre des politiques publiques et dans l’accompagnement des projets au travers de la question :

« Quel paysage voulons-nous ? »

Plus de 80 personnes ont participé à cette journée, lors de laquelle les échanges ont été très fructueux.


Dans son introduction, Philippe Surville, chef du bureau Paysage et Site à la DREAL a précisé que la DREAL a souhaité laisser une large place aux échanges, avec l’intervention d’une facilitatrice graphiste, Madame Fanny Didou de l’agence « SketchingtheMove ». Il a remercié les duos d’intervenants présentant cinq projets de paysage normands exemplaires, permettant ainsi de croiser la vision technique avec la vision politique.





Séquence 1 – Des outils de connaissances et des appels à projets exemplaires dans le domaine du paysage – actions de la DREAL

En préambule, Françoise Avril, chargée de mission Paysage à la DREAL a présenté le cadre plus général des actions qu’elle pilote dans le domaine du paysage, actions qui constituent des ressources pour une déclinaison au niveau local.

Hommage à Monsieur Pierre Brunet décédé en décembre dernier.
Agrégé de géographie, docteur des lettres, il a été professeur à l’université de Caen pendant 35 ans. Il a mené de très nombreux travaux de recherche appliquée sur les paysages ruraux, choix qu’il avait effectué car cela lui semblait permettre de faire la part entre le naturel et l’humain, puis de rechercher la relation entre les deux. Il avait pour moteur de « lire et comprendre la face de la Terre aménagée par les hommes », en référence au géologue autrichien Eduard Suess. D’une grande rigueur scientifique, ses travaux étaient fondés sur le repérage à l’échelle locale (de la parcelle) des signes dans le paysage, à partir desquels il recherchait les facteurs explicatifs qu’il hiérarchisait et situait dans le temps, y compris pour leurs interactions. Puis, il analysait leur extension spatiale grâce à l’analyse de vues aériennes et élaborait des cartes à une échelle plus large, régionale et même nationale. Il se définissait comme un visuel qui avait le souci de comprendre à partir des paysages. Il a produit une œuvre originale de géographie humaine fondée sur une forme d’expression visuelle, la carte.

Vivement intéressé par les paysages et travailleur infatigable, il a poursuivi ses nombreuses activités après sa retraite, et c’est à ce moment là, dans le cadre du contrat de plan Etat/Région 1994/1998, que nous avons pu bénéficier de ses compétences et de l’ensemble de ses connaissances sur la Basse-Normandie, et ce, à titre gracieux. En lien avec le paysagiste Pierre Girardin, il a entamé la rédaction de l’inventaire des paysages de Basse-Normandie qui constitue une référence sur l’histoire de la constitution des paysages et les dynamiques d’évolution en cours il y a 25 ans. Sa rigueur et sa qualité rédactionnelle en font encore aujourd’hui un ouvrage passionnant  : il décrit le paysage comme si on y était.



Actualisation de l’atlas des paysages de Normandie

L’actualisation de l’atlas des paysages s’impose pour tenir compte des évolutions qui ont lieu sur les paysages bas-normands depuis plus de 20 ans, sur les paysages hauts-normands depuis plus de 10 ans, actualiser la méthode, et enfin, tenir compte de l’évolution régionale pour constituer un atlas de Normandie.

L’atlas des paysages constitue une base de connaissance argumentée et formalisée de tous les paysages, y compris les paysages urbains et périurbains. Il sert de référence pour leur prise en compte dans chaque opération d’aménagement ou de développement des territoires.

Depuis 2017, la DREAL a lancé l’actualisation de l’atlas des paysages de Normandie en définissant une méthode qui se décline sur chacun des départements, car cette échelle permet d’associer les acteurs du territoire, afin d’enrichir l’analyse des experts que constituent les paysagistes concepteurs, avec les perceptions locales. Grâce à l’appui des EPCI, des ateliers participatifs ont été organisés à chaque étape. Un inventaire des représentations artistiques (peintures, photographies, films, affiches…), qui influencent nos regards sur les paysages, a aussi été réalisé.




Construction de la publication du Profil environnemental

L’atlas, socle de connaissance des paysages a pour objectif d’être partagé entre tous les acteurs et accessible à chacun et réutilisé, comme le fait la DREAL pour le Profil Environnemental.

Sandrine Héricher, cheffe de projet à la DREAL, a présenté les objectifs du Profil environnemental de Normandie, puis détaillé la composante Paysages, notamment son mode de construction, associant de nombreux partenaires. Le contenu, en cours de rédaction, a été esquissé précisant qu’une consultation externe est prévue fin 2024.



Appel à projets « Plans de Paysage »

Par un appel à projet annuel, le ministère de la transition écologique (depuis 2003), associé à l’ADEME (depuis 2019) et à l’OFB (depuis cette année), propose aux territoires de se saisir de cette méthode de projet, par une démarche paysagère et de concertation. Les projets qui ont émergé depuis 20 ans ont très souvent répondu aux questions posées par les dynamiques actuelles de transformation  : les transitions sociales, économiques, agricoles, touristiques, écologiques, climatiques et énergétiques.

Le plan de paysage est une démarche volontaire portée par une collectivité, concertée avec les acteurs de son territoire pour repenser l’avenir de ses paysages à partir de ses valeurs, de ses faiblesses et de ses ressources.

Il est accompagné financièrement, au niveau national, et techniquement au niveau local, par les services de l’État, en DREAL (inspecteurs des sites et chargé de mission Paysage) et en DDT(M).

Le plan de paysage se focalise autour des objectifs de qualité paysagère « orientations visant à conserver, à accompagner les évolutions ou à engendrer des transformations des structures paysagères, permettant de garantir la qualité et la diversité des paysages à l’échelle nationale ».

Le plan de paysage a une visée opérationnelle et concrète, il doit être décliné dans plan d’action avec une mise en œuvre progressive.

L’appel à projet 2024 comprend trois thématiques : généraliste, transition énergétique et écologique, préservation et restauration de la biodiversité.

Calendrier 2024 – les candidatures sont à déposer le 20 juin à 12h au plus tard




Séquence 2– Témoignages sur deux plans de paysage normands : initiative et mobilisation autour du projet de paysage

Plan de Paysage de Picauville - Qu’est-ce qui décide un territoire à se lancer dans un projet de paysage ?

En 2021, c’est une initiative de la commune de Picauville, qui a lancé ce projet de plan de paysage sur la commune nouvelle, et, seulement dans un second temps, mobilisé le Parc naturel régional des marais du Cotentin et du Bessin, la Communauté de Communes, le CAUE, les services de l’État et les autres partenaires pouvant contribuer au projet de paysage. Madame Perrotte, maire de Picauville et Madame Boucher-Letourneur, cheffe de projet Petite Ville de Demain, ont présenté leur expérience.






Plages du Débarquement - Qu’apporte la démarche participative ? Comment mobiliser les acteurs du territoire ?

Après l’exemple de Picauville, relativement récent et encore en cours de constitution, le plan de paysage des Plages du Débarquement a présenté l’intérêt de voir, avec du recul, ce qui facilite la mobilisation des acteurs, et même, quelles suites cette mobilisation apporte au territoire et aux projets, puisqu’il est le plus ancien plan de paysage normand, lauréat en 2015.
Monsieur Bougault, Maire-Adjoint à Vierville-sur-Mer et Madame Guillemant, Région Normandie, Cheffe de projet candidature Plages du Débarquement au Patrimoine mondial, ont rendu compte de leur démarche et des suites qui y sont apportées.






Séquence 2bis – Témoignages sur trois plans de paysage normands : comment rendre un projet de paysage concret et opérationnel ?

Plan Paysage « Opération Grand Site Falaises d’Étretat-Côte d’Albâtre » - Réalisations – une aide à la décision, qui peut agir ?

Après les exemples de Picauville et des Plages du Débarquement, c’est un autre grand lieu touristique, celui des falaises d’Etretat et de la côte d’Albâtre, provenant d’une initiative du syndicat mixte « Opération Grand Site Falaises d’Etretat – Côte d’Albâtre », qui témoigne et permet de voir ce qui facilite la mise en œuvre, le passage à l’action, car c’est souvent une étape difficile. Il montre comment la démarche de plan de paysage peut faciliter cette étape opérationnelle par un ancrage auprès de tous les acteurs du territoire.

Monsieur Leduc, maire de Bénouville et Madame Clément, directrice du syndicat mixte « Grand Site Falaises d’Étretat-Côte d’Albâtre » ont présenté l’apport du plan de paysage dans leur démarche de mise en valeur du grand site.





Plan de paysage After 2050 PNR Boucles de la Seine Normande : de l’assiette au paysage - Quels champs d’actions ?

Le projet du Parc naturel régional des Boucles de la Seine Normande et de la commune de Maulévrier-Sainte-Gertrude, est intéressant, pour montrer comment le projet de paysage peut être mené de façon adaptée à chaque territoire, avec des processus variés  : de la commune au Pnr pour Picauville et du Pnr à la commune pour ce plan de paysage Afterres 2050.

Lauréat en 2021, c’est le parc naturel régional des boucles de la Seine Normande qui a impulsé une dynamique de projet de paysage, puis lancé un appel à candidature auquel ont répondu les élus de la commune de Maulévrier Sainte-Gertrude déjà sensibles au paysage et à la dimension participative.

C’est cette expérience qui a été présentée par Monsieur Guillet, maire adjoint de Maulévier Sainte-Gertrude et Madame Lasnier, chargée de mission Paysage du parc naturel régional des Boucles de la Seine Normande.






Plan de Paysage du Pré Bocage – Comment faire vivre un plan de paysage ?

Lauréat en 2017, ce plan de paysage bénéficie d’un certain recul et a su tenir dans la durée, malgré les changements, à la fois des élus et des agents. Il présente l’intérêt d’une expérience à l’échelle d’une communauté de communes et se décline d’une façon différente des autres cas relevant de l’échelle communale. Il a été présenté par Monsieur Brécin, vice président de Prébocage Intercom et Madame Mathieu, chargée de mission urbanisme et paysage de Pré-bocage Intercom.


Lien vers le DIAPORAMA : « ApresMidi3_Prebocage »





Planches 2 et 3 de Fanny Didou

Synthèses des échanges et conclusions

De ce colloque riche en échanges, plusieurs constats émergent :

L’idée d’une temporalité adaptée à rechercher  : du diagnostic aux premières mesures de mise en œuvre, il convient d’adopter un calendrier suffisamment resserré pour maintenir la motivation des élus et des habitants, ces derniers étant souvent impatients de voir se traduire les études préalables par des mesures concrètes. Passer du diagnostic à l’action doit en effet se traduire dans l’espace-temps d’une mandature.

La pédagogie est centrale tant vis-à-vis des élus que des habitants à associer. Il faut partager les enjeux et pour cela mettre en place des relais type « ambassadeurs du paysage » qui peuvent démultiplier la diffusion et l’appropriation de ces derniers.

L’importance de pouvoir bénéficier via le bureau d’étude et des habitants d’un regard « décalé » permet de découvrir ou redécouvrir les aménités paysagères d’un territoire souvent ignorées par habitude.

Le recours aux images pour travailler  : croquis, dessins mises en scène de scenarii variés, permet plus facilement aux parties prenantes de se projeter dans l’avenir souhaité pour le territoire, fut-il utopique.

L’utopie est un moteur de changement. Il ne faut pas d’emblée se poser la question des financements qui peut constituer un frein aux idées, aux initiatives. Le programme d’action d’un plan de paysage peut ne pas être entièrement accompli, l’essentiel étant de se définir une trajectoire et d’avancer progressivement pour l’atteindre, même si certains objectifs ne seront pas tenus.

La co-construction s’appuyant sur des ateliers avec la participation des habitants, des associations et des partenaires institutionnels est indispensable à la réussite d’un plan de paysage, l’objectif étant de partager constat et buts à atteindre.

Aménager c’est aussi « ménager » un territoire, il est difficile de faire passer l’idée parfois qu’un non-aménagement est aussi une action en soi en faveur du Paysage.

Disposer d’un noyau dur d’élus et d’ambassadeurs pour porter la démarche est essentiel dans sa réussite.



Vidéo : Colloque Paysage 2024 Fanny Didou

Colloque paysage 2024 - Fanny Didou (vidéo, durée : 4 min 18 s)


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